Cet émouvant témoignage a été si puissant qu’il a généré une pédagogie d’écriture. Cette amie parapentiste m’appelle après son accident : « Martin, je n’arrive plus à dormir. Dès que je ferme les yeux, le cauchemar recommence, je revois la scène.
– Je te propose de m’écrire tout ça. Avec le détail des émotions et sensations avant, pendant et après le choc. Puis tu me l’envoies quand tu as vraiment tout dit. »

Elle a joué le jeu courageusement, en larmes. Ce travail fut thérapeutique, débouchant sur une formation. Voici l’histoire bouleversante d’Aurélie Cottier.

Fauconnier au Népal : vol en duo en parapente. ©Aurélie COTTIER / Naturimages
Fauconnier au Népal : vol en duo en parapente. ©Aurélie COTTIER / Naturimages

En une fraction de seconde, j’ai compris que j’allais percuter et me faire atrocement mal… Deux semaines plus tard, mes vertèbres et ma cheville commencent à se ressouder. Mais, pour apaiser mon mental taraudé par l’effrayant souvenir de l’accident, voici comment j’ai bénéficié de la thérapie par l’écriture.

Le soleil est radieux, le ciel d’un bleu profond, pas un nuage à l’horizon. Cette première journée du mois d’août s’annonce chaude. L’été, enfin.
Nous montons en télécabine du village de Fietsch au plateau d’Aletsch, posé à 2200 mètres dans le Valais suisse, au nord, en zone suisse allemande. Patrimoine classé par l’UNESCO, le glacier d’Aletsch est le plus grand d’Europe. Véritable fleuve de glace de plus de vingt trois kilomètres de long. Une langue vivante dévalant près de 3000m de dénivelé. Une cascade multimillénaire côtoyant des sommets suisses de plus de 4000 mètres.
L’objectif de cette journée est d’atteindre le glacier en volant pour que je puisse continuer ma série de photos de la nouvelle aile, la Peak, de chez Niviuk. Séances que nous avons commencées six jours auparavant sur différents sites suisses.

Avec un cadre pareil, les photos seront magnifiques. Je suis très excitée à l’idée de réaliser ces prises de vues. Je n’ai jamais eu l’occasion d’en prendre avec un glacier en toile de fond. Maintes fois, j’ai admiré ces tableaux de glace et de cristaux, monde minéral fascinant. Y glisser une petite voile de parapente aux couleurs chaudes et tranchantes, équilibrer justement la composition, jouer avec la lumière et cela devient très vite un pur bonheur visuel à capturer.

Les conditions aérologiques ont l’air acceptables, même si l’instabilité ne semble pas très significative. Les ailes déjà en l’air nous indiquent que ça monte, mais elles restent à l’avant du relief, bien concentrées à certains endroits. Nous devons prendre plus de six cents mètres de gain pour passer la crête au fond du plateau et accéder à la vue grandiose sur le glacier.

J’enchaîne les virages en huit

Nous nous mettons tous les quatre en l’air, Olivier, Raoul, Barbara et moi. Leurs ailes montrent très vite une performance bien supérieure aux autres présentes sur le site. En quelques minutes et en quelques virages en 360°, ils se retrouvent rapidement au-dessus de tout le monde. Avec mon Artik, voile de catégorie DHV 2, donc performante, quand même aussi, j’ai beaucoup de mal à les suivre. Je me hisse en haut de la grappe à mon tour. Mon vario m’indique 2640 mètres. Il semble difficile d’aller plus haut. Les trois Peak commencent la transition vers la crête. Je suis encore dans la grappe et je m’estime encore trop basse pour les suivre. J’ai du mal à maintenir mon altitude. Les thermiques semblent petits. Ce n’est pas du tout cuit. Je continue à grappiller quelques mètres. Quelques minutes après j’en reperds tout autant. Les cycles sont petits. Les descendances nous ramènent au relief. Il faut tout recommencer. Je suis quasiment à l’altitude du décollage. Pendant près d’une demi-heure, trois quarts d’heure, je m’use à remonter en haut de la colonne. Olivier revient me chercher quand je suis de retour à la même altitude. Je le suis, direction la crête et le fameux panorama.

La transition montre clairement que nos deux ailes ont une finesse bien différente. A hauteur de la crête, je dois me refaire à cinq mètres sol. Je n’ai jamais été aussi basse en fin de transition. Je me colle au relief et j’enchaîne les virages en huit. Olivier est au-dessus de moi, cela semble d’une facilité déconcertante pour lui. Tout doucement la tension monte en moi. « Je veux ces photos. Je dois faire ces photos absolument. » Je tourne, je tourne, je gratte, je gratte. Les bulles sont minuscules. Je gagne quelques mètres et je suis de nouveau Olivier sur d’autres pentes. Le glacier est juste derrière. Il ne manque pas grand chose. J’arrive même à l’apercevoir. « Mon Dieu, c’est magnifique ! Je dois y arriver ! »
Je continue à gratter le relief. Ils sont tous les trois bien au-dessus de la crête. « Mais comment font-ils ? Certes, j’ai trois super bons pilotes avec moi : le champion de monde de voltige, sa femme qui vole depuis plus douze ans et Olivier Nef, qui n’a plus rien à prouver non plus. Moi, avec mes quasi cinq cents heures de vol, je suis bien loin de leur expérience. Mais quand même ! Je ne suis pas un plomb en l’air. J’ai déjà bouclé des beaux cross dans ma petite vie de pilote, dans des petites conditions, avec des points bas aussi. Et en plus, pas avec une DHV 2. Je devrais faire mieux. « Pourquoi aujourd’hui je n’arrive pas à monter davantage ? Pourquoi ? »

Je commence à voir rouge et je m’énerve de plus en plus. Je continue, et je continue. Je rase, je rase. Je tourne en huit et je retourne. Ça doit faire pas loin de deux heures que nous volons. Et je n’ai encore fait aucune photo. « Quelle honte ! Je suis nulle. Que vont-ils penser ? Je ne vais jamais rester dans le team Niviuk à cette allure-là. »
Olivier et Barbi finissent par repartir en vallée. « Ça y est, ça les saoule. J’ai pas rempli mon contrat. » Raoul est le seul encore au-dessus de la crête, à 200 mètres de moi. « P… je dois le rejoindre. Allez, encore quelques virages et si vraiment je n’y arrive pas, je les rejoins en vallée, tant pis. »

Je m’acharne encore et encore. « Tiens, je vais tenter quelques 360° près du relief (chose que je ne fais jamais d’habitude). Mais bien sûr ! (analyse de la situation rendue totalement fausse et précipitée par ma fatigue et mon énervement). C’est peut-être ça qu’il faut que je fasse pour que je rentre définitivement dans le thermique et que je monte une bonne fois pour toute. » Allez, un premier, un deuxième, un troisi… Et là, c’est trop tard. Je me rends compte au même instant de mon erreur, de ma bêtise, de ma stupidité, de mon acharnement débile. Des œillères qui ne m’ont pas quittée de tout le vol. Je restais collée au relief, alors qu’il ne fallait pas.
C’est l’accident. Et la fin de cette si belle journée d’été.

J’ai de nouveau peur

Alors mon accident ? Oui ! j’utilise ce possessif car j’assume entièrement mon erreur, mes erreurs. Comment raconter un évènement qui est arrivé en quelques secondes ? Quelques secondes certes mais que j’ai quand même pu voir venir…
A la fois, c’est bien, car ça permet de savoir ce qu’il s’est passé. Et ne pas se retrouver dans la situation où tu te prends la voile sur la tête, que tu tapes la planète, mais que tu n’as rien pu voir venir. Et que, du coup, par ce facteur inconnu qui a provoqué ta chute, avoir peur de revoler, de peur que ça recommence. Moi, au moins, je sais tout ce qu’il s’est passé. Je peux l’analyser. Et le jour où je retournerai sous mon aile, je n’aurai pas peur qu’un nouveau sktech arrive. Vu que là, le sketch, c’est moi qui l’ai provoqué. Et non « la faute à pas de chance », comme il arrive parfois aux pilotes malchanceux.
Mais à la fois, ce n’est pas cool du tout d’avoir ces images qui te reviennent sans arrêt dans la tête et te glacent l’échine, accélèrent le rythme cardiaque, voire te replongent dans une peur déjà vécue : La violence de l’impact. Ces quelques secondes où vous vous dites « Merde ! Là, j’ai déconné grave, ça va faire très mal. Quelle va être l’issue ? »
En fait qu’est-ce que je me suis dit exactement ? « Oh non, pourquoi t’as viré là, tout de suite, maintenant ? Mais ça ne passe pas. Oh mon Dieu ! Je vais m’écraser sur le relief. » Du moins le rocher. Tiens, c’est bizarre, en y repensant fortement, j’ai ma respiration qui s’accélère et mon pouls qui augmente. Je me sens oppressée. J’ai de nouveau peur.
Bref, je dois m’accrocher et me remettre dedans pour faire ressortir tout ça.

Donc… Je fais mon virage à droite, je l’accompagne du regard et là, je vois que je suis trop courte, que je ne passerai pas. Je vais taper. En plus, je suis en vent arrière, accélérée par le virage. Je ne peux rien faire, ça va trop vite. Mon angle est trop ouvert, je ne peux pas le fermer. Là, j’ai le temps de me dire que je vais avoir très mal. Un énorme caillou, bien dur, évidemment, est en plein sur ma trajectoire, à une dizaine de mètres. Est-ce que je vais m’en sortir vivante ? Je doute pour la première fois de ma vie dans un accident. Je joue avec la vie depuis des années et là, la mort m’attend peut-être au tournant. Cinq secondes ont tout le temps de s’écouler, me riant presque au nez. C’est terrible de ne pouvoir rien faire et de foncer droit sur la montagne. Je vais frapper la surface. Je ne peux même pas, ou je n’ai pas le temps de bouger dans ma sellette. Les quelques G en plus me scotchent au fond. Je comprends que je vais frapper les pieds en premier, de plein fouet.
Le sol est légèrement en pente. En arrivant en virage à droite, le côté gauche de mon corps est à l’extérieur, c’est lui qui va ramasser. Enfin je ne pense pas avoir eu le temps de me dire ça.

Je n’arrive même pas à l’écrire

C’est marrant, là je me force à écrire et décrire l’accident, mais je trouve le moyen de tourner en rond en évitant le moment précis de l’impact.

Mon Dieu, mais que c’est dur de repenser à cet instant où tout s’arrête, où la douleur vous envahit intégralement ! Ce choc, la violence effroyable de cette collision avec cet élément dur, coriace, totalement inhumain. Ce satané rocher qui était pourtant entouré d’une herbe douce et moelleuse. Mais non, le corps vient s’y écraser de tout son poids, augmenté des fameux G. Question de bien marquer au fer rouge cette belle journée d’été. Et là, précisément, là, j’entends alors, bien distinctement, une succession terrifiante de craquements osseux et tissulaires…
Voilà, la thérapie fait sans doute son effet. Voilà dix minutes que je n’écris plus et que je pleure. Que je pleure en pensant à cet instant. La sensation, l’image, le bruit… Voilà ce qu’il faut que j’extériorise. Me forcer à tout ressentir, tout revoir, tout entendre, à nouveau. C’est horrible. Je vous jure que c’est horrible. Je n’ai jamais autant pleuré depuis l’accident, il y a deux semaines. Ça a fait si mal. Si mal. Surtout les quelques secondes qui ont suivi. Car sur le coup, c’est ce bruit de destruction corporelle qui m’a fait le plus peur. Où je me suis dit (je pleure encore…). Je n’arrive même pas à l’écrire. Où je me suis dit. Où je me suis dit. « Je suis en vie, mais ma colonne est foutue… ». (Voilà le pire, le plus douloureux qui sort maintenant).
Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Jamais. Et pourtant, des expériences fortes dans ma vie, à travers mes voyages, à travers d’autres accidents, j’en ai vécues. Mais là, c’est le summum.

Le choc vous plonge dans un état second

Je hurle : « Nooooon, nooooon, nooooon ! »
Je suis au sol, ma voile aussi. Tout s’est arrêté. Je hurle à nouveau, « Noooon, noooon, noooon, pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? » Je commence à paniquer. Je cherche tout de suite à bouger. Sentir mes jambes. Il faut que ça réponde, il faut que ça bouge. Je vous en supplie, bougez, bougez, bougez !
La réponse est enfin là. Mais cela ne suffit pas pour me rassurer, je réalise à peine. Mon état de panique est tellement grand que je continue à haleter. J’ai de la peine à me contrôler.
En y repensant maintenant, je me rends compte que rien ne peut rassurer, tellement la violence d’un choc vous plonge dans un état second, comme un état de démence. Seule une tierce personne peut vous calmer. Ou le temps et la fatigue si vous êtes seuls. Ou l’évanouissement, si vous ne recevez aucune réponse de vos jambes. (Tiens, je suis dans le même état en écrivant ça. Petite respiration, sueur, comme un essoufflement en plongée sous-marine).
Je suis paniquée, je tremble, j’essaie de me dégager de ma sellette. Je n’arrive pas à défaire les accroches. Je m’énerve dessus. En même temps, je teste toujours mes jambes. Mais à la fois, je sens ma cheville gauche gonflée comme un ballon dans ma chaussure. Là, j’arrête d’essayer de me décrocher. Je cherche d’abord à enlever ma chaussure. Dans l’état de tremblement où je suis, une douleur vive dans le dos, je peine et mets plusieurs minutes pour réussir. Mon dos me fait si mal. J’ai peur. « Qu’est ce que j’ai fait ? Mais pourquoi j’ai fait ce virage face à la pente, je suis suicidaire, c’est pas possible ? »
Ma cheville est déformée. Mon dos est en vrac et je n’ai même pas cherché à le protéger. Dégagée enfin de ma sellette, j’ai l’impression que j’ai mis un temps fou pour le faire. Épuisée, je reste là. La souffrance, la douleur me scotchent. J’halète toujours autant. Impossible de me calmer. J’essaie le Reiki (médecine japonaise basée sur les énergies des chakras) en posant mes mains sur mon ventre. Mais ça ne marche pas, bien sûr. Ce n’est pas possible. Je suis trop en panique pour me calmer, respirer lentement et profondément comme je l’ai appris au Népal avec mon amie Vildès. C’est impossible. Ton corps est en ébullition. Je suis tétanisée et mes muscles sont dans un état de tension extrême.
Là, les pensées défilent. « Que va t’il se passer ? Où sont les autres ? Ils vont bien me voir au sol. Et ma préformation de parapente fin août (pour le BE), je vais la rater. Et le Chili et l’Argentine en octobre, aussi ».
Voilà ce à quoi je pensais au début. Je pensais à cette p… de formation pour laquelle je m’étais préparée durement et que j’allais rater par ma connerie. Au lieu de maudire cet instant. On est vraiment des drogués. On pense même dans la douleur « au prochain shoot qu’on va se faire. »
Je m’en veux, je rage en moi. La culpabilité arrive au grand galop dans mon ventre. « C’est de ta faute, mais t’es trop conne ! » Je l’ai même hurlé.
Enfin je bouge, mes jambes bougent toujours. La peur s’allège doucement, mais fait place à la douleur. Qui paralyse.
Je reste ainsi plusieurs minutes. Je sais bien que, tôt ou tard, les autres me verront au sol.
Et là, je vois Raoul. Il me survole. Et je crie doucement, je n’ai pas besoin, il a compris. « Raoul, au secours ! »
Je suis dans l’herbe, trois mètres en dessous de l’impact. Je me tords de douleur. Je comprends mieux l’expression maintenant. C’est vraiment ça. Notre corps se contorsionne, se tortille comme un ver. J’agrippe l’herbe de mes mains. J’arrache des touffes et des touffes d’herbe. J’halète toujours autant.
Raoul arrive près de moi. « Oh, no, Lili, qué passa ? ». Il me touche la main, la tête. « Tranquille, tranquille. » Je lui dis entre deux hoquets de respiration : « Ma cheville, mon dos ! Je sais pas, j’ai très mal. »

Une douleur d’une intensité inconnue

Ça devait faire déjà cinq minutes que j’avais impacté. Il m’enlève ma chaussette. Mon pied est énorme, déformé. On attend un moment avant qu’Olivier arrive avec le téléphone, le salut à ma souffrance. Barbi arrive avant lui. Elle me caresse la tête, tente de ma rassurer, de me calmer. Elle me fait de l’ombre. Le soleil tape fort et je m’assèche très vite. Il faisait chaud ce jour-là, en plein soleil. Les lèvres, la bouche, la langue. Raoul, dès le début, m’avait donné la bouteille d’eau que j’ai toujours dans ma sellette. Mais ma cheville me faisait tellement mal, j’en ai bu trois gorgées et versé tout le reste dessus. J’ai tout de suite regretté, je savais que j’en aurai eu besoin. Et maintenant, j’ai très soif.
Ça dure, ça dure, ça dure. La souffrance est si forte, elle atteint un niveau jamais connu pour moi auparavant. Elle stagne, mais ne diminue pas.

Je sais que le temps perd son sens dans ces moments-là. Mais je sais que j’ai bien dû rester 45 mn ainsi jusqu’à ce que l’hélico arrive. Et plus d’une heure avant l’hôpital.
Nous entendons enfin l’hélico. Et là sans prévenir, pour la première fois, je me mets à pleurer. Je pleure, je pleure, je pleure, je pleure.
« Non ? Il était là, enfin ! » Mais à la fois, je me dis : « Non, mais pourquoi, il est là ? Pour moi ? » Je recommence à paniquer. Barbi tente de me calmer et me caresse toujours la tête. J’ai peur, je revois l’accident sans cesse.
Je repense à toutes les fois où j’ai vu l’hélico chercher un pilote (surtout ces dernières semaines où j’ai assisté à un accident mortel, un autre corporel et un dernier, trois jours avant, une évacuation suite à une chute dans un arbre). Mais cette fois-ci, c’est pour moi. Je n’arrive pas à l’accepter. « Non, pourquoi moi ? Pourquoi moi ? »

il me pique, je me sens partir

Il se pose à cinq mètre de nous. Je pleure, je pleure. Le bruit est assourdissant, impressionnant, le souffle des pales. C’est horrible, alors que j’ai toujours adoré et admiré ces machines volantes. Là, j’ai peur. Mais je pleure aussi car je sais que ma souffrance va se calmer enfin. Les secouristes arrivent sur moi. Un me pose des questions, en suisse allemand, puis en français, l’autre prépare une perfusion pour me soulager.
Après un diagnostic de plusieurs minutes, il me pique. Et en quelques minutes à peine, je me sens m’enfoncer. Partir. Comme si j’avais bu. Ma tête qui tourne légèrement. Les yeux qui s’alourdissent. La douleur qui s’estompe, enfin. Et qui devient plus supportable. Je revis. Coquille, brancard. Me voilà partie pour l’hôpital de Sion.
Et là, dans l’hélico, je me répète encore et encore « Qu’ai-je donc fait, pourquoi je suis là, pourquoi moi ? »

Voilà l’histoire de mon accident.

La rédaction de ce texte m’a pris plusieurs heures, surtout au début où je pleurais beaucoup. Je l’ai revu sur plusieurs jours. Pour aller encore plus loin dans le ressenti et sa transcription.
J’ai d’abord compris une première chose en l’écrivant. Pourquoi et comment j’en étais arrivée là. J’espère donc avoir démontré assez clairement le processus qui m’a poussé à cet accident. L’obstination stupide dont j’ai fait preuve, par peur de l’échec pour ces photos et ce vol. Un orgueil mal placé qui a fait que je les voulais à tout prix. Et qui a fait ce qu’il s’est passé.
Voilà, je n’ai pas eu peur de me mettre à nu devant vous. J’ai déconné, mais j’assume et je me remets en question.

« J’avais peur des hélicos »

Maintenant l’écriture de ce texte m’a aussi appris cette autre chose. La libération.
Sur le coup, il ne m’aura fallu que deux jours après l’accident pour relever la tête et ne pas me laisser abattre. C’était fait, je n’avais plus le choix. Ça ne servait à rien encore une fois de se prendre la tête. Mais juste accepter et patienter.
Cependant, ça ne suffisait pas de me persuader ainsi. Les images et le choc ont été plus longs à sortir. Même si, psychologiquement, je gérais au mieux, en positivant au maximum, car je savais que j’avais eu beaucoup de chance, au final. Je n’étais pas dans une chaise, mais seulement alitée pour huit semaines, pour réparer ma cheville, mes deux vertèbres lombaires fracturées et un douloureux tassement.

J’ai, malgré tout, eu un sale contrecoup deux semaines après. Mon inconscient m’a rattrapée et je me suis sentie très mal. Peur des hélicos qui passaient à côté de l’appartement où j’étais, entre autres. Et des images qui me glaçaient le sang, sans cesse.
Un ami m’a alors conseillé de l’écrire. Écrire et décrire tout ce qu’il s’était passé, avant, pendant et après : sortir les émotions. Sentant que j’étouffais de plus en plus, je l’ai fait. Et c’est ce que vous venez de lire.
J’ai alors revécu l’accident. Mais cette fois-ci volontairement et consciemment. Et c’est à ce niveau-là que se joue la thérapie. Plus précisément. 

« Il faut revivre l’accident consciemment »

J’ai passé plusieurs heures terribles. A écrire trois mots à la minute. Mais il fallait que ça sorte. Alors, j’ai laissé faire. Je me suis forcée à repenser, à revoir et à ressentir. Écrire tout. Toutes les émotions. Il fallait que mon conscient le vive pleinement pour l’accepter et l’avaler. Car quand tu vis l’accident, sur le coup, ça va tellement vite que c’est comme si le temps s’était arrêté. Dur à expliquer, mais même s’il n’a duré que cinq secondes avant l’impact, ça laisse à la peur le temps de s’imprégner dans toutes les cellules et l’inconscient. Et après, c’est au tour de la souffrance d’imprégner toutes tes cellules. Le conscient est éteint. Ça va trop vite. Il ne gère rien. Il décroche. C’est le choc psychologique. Car c’est l’inconscient qui enregistre et non le conscient.
Il faut donc le revivre pleinement, consciemment, pour ne plus avoir peur des images et accepter la violence de l’impact, accepter la souffrance inhérente.

Aurélie CottierCette thérapie par l’écriture m’a libérée. Je peux revoir toutes ces images sans plus aucune crainte ou émotion, maintenant.
Merci à mon ami Martin, formateur en écriture et surtout, familier des accidents,  de m’avoir poussée à le faire. Ça a rendu ma convalescence bien plus légère.
Comme dans tous les sports, des accidents arrivent. Tous, vous l’avez vécu, directement, ou indirectement à travers un ami. Si aujourd’hui certaines choses de la vie vous font encore souffrir, accident, traumatisme divers, deuil etc. couchez-le sur le papier, forcez-vous, rien que pour vous. Et revivez le moment, même si c’est dur. Vous vivrez bien mieux après et votre vie sera bien plus douce.
Aurélie Cottier

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