Comment identifier une plume de qualité professionnelle ? Une des méthodes procède par élimination : chassez les fautes discrètes. En surveillant notamment la grammaire subtile, la logique lexicale, la typographie, les pollutions d’écriture et les règles de lisibilité.

Martin Bohn rédige à la plume écriture calligraphie écrivainLes critères d’exigences d’un rédacteur professionnel haut de gamme sont nombreux, au point de combiner les métiers. Il doit ainsi combiner un talent d’écrivain, la rigueur du secrétaire de rédaction, une vigilance de correcteur, l’œil du graphiste… Tous ces métiers collaborent en rédaction pour servir une qualité éditoriale exemplaire.

Mais outre les compétences professionnelles classiques, il y a une astuce, un filtre qui procède par élimination : surveiller les fautes subtiles, fréquentes et peu connues, afin d’identifier ceux qui évitent ces travers.

Faute de grammaire classique : sans = singulier. Par exemple : « Il est arrivé sans difficultés. » Voyez-vous la faute d’accord de nombre dans la phrase ? Sans égale aucun, soit le chiffre zéro. Chaque fois que vous pouvez écrire « sans aucun » ou « sans un », l’accord du nombre singulier s’impose. C’est simple. Désormais, les « sans problèmes » vous sauteront aux yeux. Et vous décrirez même un « crâne sans cheveu ».

Faute de ponctuation. La virgule est la ponctuation la plus délicate et malmenée. Son respect s’impose pour éviter le glissement de sens, voici pourquoi :
« On va manger, les enfants ? » ne propose pas le même menu que : « On va manger les enfants ? »
« Mais » est précédé d’une virgule. C’est enseigné à l’école, mais combien de temps ?

La ponctuation marque le ton de la voix. Elle rapproche l’écrit de l’oral. Attention aux écritures qui affectionnent les points de suspension et d’exclamation. C’est amusant dans un phylactère de bande dessinée, mais rédhibitoire en conception éditoriale professionnelle.

Faute de choix lexical. Une spécialité de formation intitule les stages : « Écrire pour le web. » Cette phrase contient deux fautes en quatre mots. Une de logique lexicale, une de typographie.
1. Typographie. La Toile s’écrit avec une majuscule quand elle désigne l’ensemble de documents accessibles via un navigateur, de même que sa traduction anglaise Web.
2. Logique. J’ai beau expliquer à mes clients que le Web ne vous remerciera jamais, même si vous écrivez pour lui, ils utilisent « pour ». Qui parle pour le téléphone ? Voilà pourquoi j’intitule ma formation Rédiger sur le Web.

Toile d'araignée 1000x482cMartin BohnLes pollutions d’écriture. Ces fautes discrètes procèdent du verbiage ambiant, mais les bonnes plumes évitent les manières verbeuses. Elles naissent dans une pédagogie scolaire qui encourage les phrases à rallonge. Rappelez-vous la consigne du collège : « Vous me ferez deux copies doubles pour lundi ! » Soupirs, désespoir et ces réactions qui fusent dans un gémissement : « Ho non, je n’en ai rédigé que deux ! » Alors, le collégien tire à la ligne, rajoute des relatives, enfle son style. Et l’habitude s’installe.
J’ai inventé l’expression « pollutions d’écriture » pour mon cours de Techniques de réécriture. Il fallait aux étudiants en journalisme (IPJ Dauphine) une image pour ces mots inutiles, plus délicats à dénicher que les pléonasmes. J’encourage donc les journalistes, en stage, à dégraisser leurs phrases, ce qu’ils font naturellement. L’écriture de presse requiert une concision du style. Elle préfère une parole ramassée, puissante, efficace. En réécriture, je réduis en moyenne le texte d’un tiers (y compris mes propres textes en premier jet), sans ôter d’information.

Les clés de lisibilité. Les contraintes de lecture forcent l’œil à une fatigue qui croît avec l’âge et le temps devant l’écran. Mais la majorité des graphistes rajoutent des freins involontaires, inconscients, à la lecture. Pour faire joli, ils enfreignent les règles de lisibilité. Elles échappent, hélas, à leur métier et contaminent des rédacteurs. Lesquels rédigent parfois en coupant ou freinant la lecture, par oubli des règles de lisibilité. Je transmets ces clés à mes clients, pour faciliter la lecture et renforcer leurs messages. Même l’industrie du luxe commet ces erreurs.

D’autres critères pourraient être énoncés, comme la qualité de plume ou style, la vitesse et la précision d’exécution d’un texte, etc. Or ce texte ne saurait être exhaustif.